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Ceux qui ont déjà parcouru quelque peu ce blog feront forcément le lien entre ce présent article et un autre plus ancien que j'avais intitulé « Pourquoi qu'il est tout nul notre cinéma français ? » Pour ceux qui n'aurait pas lu ce précédent article au titre déjà fort explicite, je peux vous en proposer un résumé très bref sur les quelques lignes qui vont suivre. J'y avais globalement émis l'idée que notre bon vieux cinéma français avait perdu de la superbe dont il pouvait se vanter quelques décennies auparavant, et qu'il n'était aujourd'hui réduit qu'à un cinéma d'auteur nombriliste qui avait de grandes difficultés à ce renouveler. J'en avais notamment attribué la cause au fait qu'en France le cinéma devenait de plus en plus le pré-carré d'une aristocratie de bobos et qu'ils en avaient vendu la diversité de notre cinéma au profit de leurs conceptions bien mondaines du 7ème art.
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C'est vrai, je le reconnais, il y avait un petit esprit provoc dans cet article et d'ailleurs il n'a pas manqué de susciter de multiples réactions. Néanmoins, il y avait aussi un sentiment sincère de désespoir à voir le cinéma français se scléroser à ce point. Alors forcément, quand le bilan 2006 du cinéma français est tombé, je n'ai pas pu m'empêcher d'y réagir, même si c'est avec un petit peu de retard il est vrai ! On parle dans ce bilan 2006 de bonne santé du cinéma et de résultats resplendissants. Est-ce que cela signifie que mon précédent article n'est plus d'actualité et que le cinéma français a su se ressaisir, ou bien s'agit-il d'une information qu'il faut savoir interpréter et relativiser ?
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Des chiffres en 2006 qui sont flatteurs pour le cinéma français.
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Il est vrai que le premier chiffre évocateur de cette année 2006 pour le cinéma français reste celui de sa part dans le box office français face à l'ogre américain. Alors que dans d'autres pays européens comme l'Italie ou l'Allemagne le cinéma américain totalise près de 80% des entrées, il ne représente que 45% du marché français. En effet, en France, c'est le cinéma national qui se taille la part du lion avec 48% des entrées, soit un totale de 188 millions de spectateurs. Un tel pourcentage est suffisamment flatteur comparé à ceux de nos voisins pour qu'on se tienne de le noter.
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Deuxième chiffre qui semble augurer du regain du cinéma français, celui de la présence dans le palmarès des 10 films les plus vus cette année dans les salles de l'hexagone. Car en effet, sur ces 10, 7 sont français et parmi elles quelques films au succès étonnant comme Je vous trouve très beau, nos jours heureux ou encore la tourneuse de pages.
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Enfin, troisième chiffre fièrement avancé par le CNC : cette année fut une année faste en production avec pas moins de 203 films français produits en cette année de 2006 ! Bref, que de chiffres pour nous démontrer que le cinéma français va bien, qu'il est dynamique et qu'il est brillant ! A partir de là, bon nombre d'entre vous doivent se dire que le Startouffe fut bien mauvaise langue lors de son précédent article et qu'il se devrait de revoir sa copie sur le cinéma français.
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Mais qu'en est-il en réalité ?
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Pourtant, malgré ces bons chiffres dont tout le monde se glose, je crois qu'il est nécessaire d'y prendre un peu de recul pour interpréter cette myriade de numéros avec un minimum d'esprit critique. Première limite à la dynamique actuelle que connaît le cinéma français : celle qui porte sur le nombre d'entrées record. Certes, 188 millions de spectateurs c'est éblouissant, mais le problème c'est qu'on observe par rapport aux années précédentes une concentration encore plus accrue de ces entrées sur un nombre sans cesse plus réduit de films. En clair : les chiffres mirobolants qu'affichent les deux ou trois plus gros films compensent la chute progressive des productions de seconde zone. La conséquence directe est qu'un film peu connu ou original ne peut rester que très peu de temps à l'écran d'où l'impossibilité qu'avaient autrefois ces films de profiter du légendaire bouche à oreille. Sur ce point, l'exemple du récemment césarisé Lady Chatterlay est assez représentatif.
Deuxième problème, et qui découle du premier, c'est que ces gros succès se sont fait en misant essentiellement sur des valeurs sures, et notamment sur des castings regroupant des pléiades de stars. La conséquence immédiate est que les productions se referment sur ce que le spectateur connaît déjà : Mathilde Seigner, Gérard Lanvin, Nathalie Baye, Michel Blanc, etc Ces productions se referment également par un formatage des histoires d'où toute une série de « films d'auteurs » à la limite du rétrograde : danse avec lui, la maison du bonheur, je crois que je l'aime, etc
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(Il suffit de juxtaposer les affiches des derniers films sortis pour percevoir le monolithisme du cinéma français en ce moment.)
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Enfin, troisième problème, et non le moindre, c'est constater au final la qualité plutôt navrante des films qui sont responsables de ce succès ! Les Bronzés 3, Camping, Jean-Philippe, La maison du bonheur ou encore l'affreux Incontrôlable, que des films à la qualité plus que discutable ! Et encore ! Je n'évoque pas parmi les films français Arthur et les Minimoys, véritable formatage US qui n'a au fond rien de véritablement français. Si c'est donc ça le succès du cinéma français ?!! Je crois qu'en arrêtant d'analyser le succès du cinéma français par les chiffres mais par la qualité, le bilan en devient totalement différent !
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Bilan : quel espoir ?
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En somme, si on se limite à regarder ce bilan du cinéma français par rapport à la qualité de son cinéma d'auteur, comme à pu le faire le magazine Inrockuptibles, il y a vraiment de quoi avoir peur. Maintenant, pour ceux qui ont déjà lu mon article précédent, vous comprendrez qu'on pourrait encore se réfugier dans l'idée que l'accumulation de capitaux par le cinéma français n'est peut-être pas forcément une mauvaise chose et que cela débouchera sûrement à l'avenir sur quelque chose de positif et vers une diversification plus qu'enviable.
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