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14 septembre 2008 7 14 /09 /septembre /2008 23:58
                                 Affiche américaine. Warner Bros.

Gotham City est habitée par la folie. Les esprits comme les espaces publics sont le théâtre des manifestations de la souffrance de l'âme. A l'instar des cabinets extraordinaires que l'on trouvait dans les demeures des intellectuels du XVIIIe siècle, cette ville renferme son lot de curiosités de la nature, babioles venues d'ailleurs et personnages atypiques. La petite boutique des horreurs en somme. Chaque épisode de la saga créée par Bob Kane propose son freak, celui qui vient troubler la déjà très agitée ville de Gotham. Les personnages qui gravitent autour de Batman ont un terrain commun avec le plus illustre représentant de la ville : ce sont des psychotiques marqués par une dualité caractéristique.
                                 Aaron Eckhart. Warner Bros.

Bruce Wayne n'est pas un enfant mutin. Il est sage et pondéré, passe son temps à écouter les recommandations de ces parents attentionnés et philanthropes. Son père est un grand patron modèle : à la tête d'une riche société d'investissements, il se fait édile et rêve d'aménagements publics estampillés Wayne, inc.. Mais Bruce Wayne est un bambin mystérieux. Pas celui dont on regarde avec méfiance les délires farfelus, mais un comportement discret et retenu qui interroge.


Dans Gotham City, les enfants ont peur. Ils voient la ville se dégrader, et ses voyous empirer. Les gens fuient les espaces publics comme les cadavres du temps de la Grande Peste en Europe. La ville génère certaines phobies sociales, les citadins deviennent agoraphobes.
                                  Heath Ledger. Warner Bros.

L'enfant frileux perd ses parents. La mort brusque, furtive vient d'arracher un espace de normalité à cette enfance. Le choc post-traumatique a un effet dévastateur sur ce garçon. Comme les toxiques chez un adolescent à terrain schizophrénique, il met en évidence des troubles graves de comportement.


Bruce Wayne est un homme malade. Le golden boy succède à l'enfant chétif. Il souffre d'un problème d'insertion dans la société urbaine de Gotham. Alors qu'il se pavane avec ses richesses et ses gloires d'un soir, il s'enterre dans son bunker et se fait justicier et défenseur de la vertu. Etrange le Batman…
                                 Michael Caine et Christian Bale. Warner Bros.

A Gotham plus qu'ailleurs, il est question de psychiatrie. Pour cerner le profil pathologique de notre héros, il convient de s'attarder sur celui de deux autres enfants du chaos :


-L'épouvantail (Scarecrow) interprété par Cilian Murphy est un psychiatre de formation. Il travaille au centre spécialisé d'Arkham, où il diagnostique et prescrit des traitements thérapeutiques à des malades dangereux. Victime de bouffées délirantes suite à la manipulation d'un gaz toxique, il cherche à terroriser la population en faisant de son traitement délirant une normalité à part entière.

-Le Joker est l'autre enfant terrible de Gotham. Plus qu'un farceur potache à la tonalité « pop » (Jack Nicholson ?), c'est un véritable détraqué tout droit sorti d'une UMD français. A lui seul, il représente toutes les dégénérescences mentales engendrées par la ville. Sournois et impulsif, il ignore l'empathie et la compassion. Il agit avec sadisme et perversité.


L'épouvantail comme le Joker partagent leurs acolytes parmi les aliénés de l'institut Arkham. Et puis ils ont la même analyse : ils considèrent le justicier de la nuit comme un des leurs.
                           Christian Bale. Warner Bros.

Schrizophrène, Batman est-il comme le titre le suggère un knight ? Le chevalier est celui qui, adoubé, épouse les convictions religieuses pour se laisser guider par la foi. Les actions de Batman ne répondent pas à un dogme ou à un guide spirituel. Il n'est pas habité. Il agit pour exorciser des souffrances intérieures. Il est souvent imprévisible et violent.
                          Christian Bale et Heath Ledger. Warner Bros.

Héros ? Homme replié sur lui-même, il colle difficilement à l'image d'un personnage altruiste et héraut d'un message de bienfait pour l'humanité. Batman est un égoïste qui agit pour canaliser ses démons intérieurs et relâcher cette violence qu'il renferme depuis sa tendre (sic) enfance. Il ne combat pas la pègre, mais se bat contre lui-même, contre sa propre personnalité. Il déborde, dérape, outrepasse continuellement les règles de société. Batman est un borderline en mal de bien être.


Il existe néanmoins une anomalie dans la progéniture de Gotham. Elle s'appelle Harvey Dent. Contrairement aux autres aliénés de Gotham, Dent est un homme sain d'esprit qui se veut intègre. Nolan en a fait le personnage le plus important, le catalyseur de Batman et du Joker. Un révélateur qui permet d'offrir une profondeur et une densité exceptionnelle au personnage de Batman.
                        Aaron Eckhart. Warner Bros.

Le film s'ouvre par une mise en bouche qui révèle la qualité générale de la mise en scène. Elle est souple et fluide, efficace mais pas tape à l'œil. De la pose et du style mais pas de l'esthétisme esthétisant. Christopher Nolan offre aux spectateurs du monde entier un blockbuster qui remet à plat toutes les bases de ce genre de film calibré pour l'audience de masse. A l'image de son metteur en scène talentueux et discret, The Dark Knight est sobre et dense. C'est un film qui ne cède pas à la facilité de l'image, mais qui propose au contraire, la construction d'un espace simple à des acteurs qui n'ont qu'à révéler toute l'étendue de leur palette. Le spectateur est à l'honneur devant cette somptueuse démonstration que le racolage est l'ennemi de l'art. The Dark knight vient de tuer la concurrence et donner une leçon d'humilité à tous les tâcherons et prétentieux de service à Hollywood.

                                                                                                                                    Coxwell.

Pour d'autres articles de Coxwell, je vous invite à vous rendre sur son nouveau blog : www.cinephilie.over-blog.com



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commentaires

C
Merci pour la démonstrationC'est une bonne lecture du film ! ça change un peu "Ouais il est trop top le Joker dans le film !"
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