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22 décembre 2008 1 22 /12 /décembre /2008 15:31

Buena Vista International

 

Tiens donc : un article sur Ratatouille ? Plus d'un an après sa sortie ? Eh oui ! Il n'y a aucune raison particulière qui justifie qu'on en parle à cet instant donné de l'année 2008 si ce n'est que le hasard m'a conduit à le revoir hier et qu'un moment n'est jamais mal choisi pour parler d'un véritable chef d'œuvre. Non ! Ratatouille n'est pas que le bon divertissement d'une année qu'on range ensuite dans les tiroirs en attendant le prochain Pixar ! Comme quoi le hasard fait parfois bien les choses ! Il était tard, les chefs d'œuvres dans ma DVDthèque étaient nombreux, et parmi eux il y avait ce Ratatouille, acheté sur un coup de tête parce que la boîte était belle et qu'il en restait un vague bon souvenir. Il n'était même pas encore déballé, preuve de l'oubli qui lui était tombé dessus. Le revoir a été la révélation. Je l'avais déjà apprécié au cinéma, reconnu la profondeur de son propos, mais pourtant, je fus aussi plus ou moins victime des préjugés qui pèsent habituellement sur « un simple dessin animé ».

 

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Il est vrai que, bien qu'encensé par la critique à chaque nouvelle sortie, les films des studios Pixar semblent malgré tout classé – injustement – dans une catégorie à part : celle du dessin animé. Preuve en est : combien de dessin animé dans les classements de fin d'année que ce soit dans la presse ou chez les internautes ?  Souvent aucun. Même l'admirable DanielOceanAndCo – admirable justement pour son ouverture d'esprit et la sincérité cinéphilique qui habite son activité sur Allociné – même lui se laisse parfois prendre au piège de la ségrégation filmique en me demandant si j'avais préféré Wall-E à Ratatouille… Mais pourquoi comparé un Pixar à un autre ? Il ne s'agit même pas du même auteur ! Tous, nous sommes prisonniers de ces a priori ! Un dessin animé n'est pas un film comme un autre ; du moins c'est ce qui est insufflé pernicieusement dans notre esprit. Symbole de cet état d'esprit, un article de ce cher Brad91 – pourtant autre blogueur estimable – qui disait de Ratatouille qu'il était finalement « bien mièvre et manquant d'enjeu dramatique ». Se sent-il obligé d'ajouter par la suite : « Aurais-je perdu mon âme d'enfant ? » Le mot est lâché – presque involontairement d'ailleurs ! – film pour enfants. Voici autant de préjugés qui nous pèsent et nous empêchent de percevoir en ce Ratatouille ce qu'il est vraiment : un chef d'œuvre intemporel et donc inclassable.

 

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Tout bien encensé qu'il ait été par la critique, reconnaissons qu'il n'est pas aisé d'affirmer aujourd'hui que Ratatouille est un chef d'œuvre lors d'une discussion mondaine entre cinéphiles avisés. En dehors du contexte de la sortie du film, tout le monde vous regarderait de la même manière qu'on a regardé Linguini qui essayait d'expliquer qu'un petit rat lui dictait ses recettes. Il est vrai que mettre Ratatouille aux côtés des Apocalypse Now et autres Citizen Kane peut sembler totalement inapproprié dans la mesure où c'est une évidence même qu'il est avant tout dédié à un public large et certains diront à un public pour enfants. Mais sous prétexte qu'un film n'est pas les prétentions de plaire au public mondain doit-il nécessairement le rabaisser au niveau de l'estime qu'on doit lui porter ? Le pire dans tout cela, c'est qu'il s'agit justement là de tout le propos de ce Ratatouille : le malheur du préjugé. Rémy, le personnage principal, c'est celui qui accepte de pratiquer son art dans l'ombre et en absence de toute reconnaissance. Déjà, il n'y a que dans un pays exotique – la France ! – où son art est reconnu comme tel : la cuisine. Mais même dans ce pays, le rat qu'il est l'empêche d'avoir accès à la considération même si tout le monde s'accorde sur la qualité de sa soupe et de ses autres plats. Le préjugé est en plus doublé pour le pauvre Rémy, puisqu'il officie sous l'identité du pauvre Linguini qu'il manipule pour rendre son rêve possible. Linguini, c'est le commis aux poubelles : lui aussi doit subir le mépris du préjugé qui porte sur lui. Enfin, on pourrait même tripler – voire même quadrupler – les préjugés que subit Rémy en temps que cuisinier car s'ajoute à celui de sa nature de rat, et de la nature de commis de Linguini, le fait qu'il doit apprendre d'une femme, Colette, elle aussi méprisée pour son sexe ; le tout dans un restaurant lui aussi méprisé depuis la disparition de son créateur et mentor : Auguste Gusteau. Ratatouille est un film qui prône l'expression du talent de chacun malgré les préjugés, et il a bien raison car lui-même subit les préjugés qui pèsent sur lui en tant que film d'animation.

 

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Symbole de l'esprit de ce film, c'est le dicton prôné par cette idole que tous les personnages du film vénèrent qu'est Gusteau : « Tout le monde peut cuisiner ». A cette remarque est apporté la précision en fin de film qu'on pourrait comprendre non pas que tout le monde peut devenir un artiste mais qu'un artiste peut apparaître n'importe où. Or, c'est bien ce que concrétise Ratatouille par le simple fait d'exister. Oui, c'est un film d'animation en image de synthèse, dont le but initial est avant tout de surprendre et d'émerveiller. Pourtant, on ne pourra nier – déjà ! – le génie esthétique qui s'exprime dans les graphismes que génère cette simple série de 0 et de 1. Qu'il s'agissent de l'expression de chacun des personnages, de cette image d'un Paris suranné et charmeur, ou bien tout simplement par ce goût du détail, tout dans ce Ratatouille témoigne d'une poésie somptueuse de la part de son réalisateur Brad Bird et qui n'est pas sans se rapprocher de cette mélodie de saveurs qui peut résonner dans les esprits dès que Rémy mélange les ingrédients en fermant les yeux. Ratatouille a ce génie là : il sait transfigurer son propos par sa manière des plus élégantes qu'il a de le mettre en valeur. Or, l'idée mise en avant est finalement la plus noble et la plus belle qui soit : celle de la liberté d'être, de s'exprimer, sans avoir à être jugé. Et c'est bien là ce que mérite ce Ratatouille ! Non pas de ne pas être jugé, mais de le juger pour ce qu'il exprime au-delà des préjugés de contenant !

 

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Dans cette merveilleuse complainte dédiée à la liberté d'être, de paraître et de créer, Ratatouille nous livre d'ailleurs la clef de son bonheur. Voila un film qui ne prétend pas arborer les parures des chefs d'œuvres reconnus pour se faire connaître : il préfère se présenter tel qu'il est aux spectateurs qui le reçoivent. Il n'est pas caviar, il est ratatouille, met rustique s'il en est. Quand le grand critique gastronomique Anton Ego vient dans le restaurant de Rémy pour juger sa cuisine c'est avec de la simplicité qui lui est servi : cette fameuse ratatouille. Et finalement, ce qui en ressort, c'est que le perfide Ego en laisse tomber son stylo ; laisse donc de côté son jugement abstrait pour mieux profiter de l'essentiel face à un plat cuisiné : le plaisir du goût. N'est-ce d'ailleurs pas là l'essentiel en cinéma ? Avant de juger si un film correspond à nos critères préjudiciables, pourquoi ne pas prendre en compte notre simple plaisir à nous retrouver parfois devant des choses simples ? Sachons aimer Ratatouille pour ce qu'il est et non pour ce qu'on voudrait qu'il soit ! 

 

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Certains ont été déçus parce qu'il n'était pas tout à fait ce qu'il attendait... Quelle erreur d'attendre d'un film qu'il rentre dans un schéma qu'on a préétabli pour lui ! Jugeons Ratatouille par rapport à ce qu'il comptait nous offrir plutôt que par rapport à ce qu'on attendait qu'il nous offre !  Et les critiques ont finalement bien eu raison d'encenser ce film qui encore aujourd'hui reste un remarquable chef d'œuvre de cinéma tout court. A croire que ces chers journalistes venus jugé le dernier Pixar ont su être réceptif à la comparaison cinéphilique qu'induisait la critique final du critique gastronomique Anton Ego :

 

« A bien des égards la tâche du critique est aisée. Nous ne risquons pas grand-chose et pourtant nous jouissons d'une position de supériorité par rapport à ceux qui se soumettent avec leur travail à notre jugement. Nous nous épanouissons dans la critique négative, plaisante à écrire et à lire. Mais la mère vérité qu'il nous faut bien regarder en face, c'est que dans le grand ordre des choses, le met le plus médiocre à sans doute plus de valeur que la critique qui le dénonce comme tel. Il est pourtant des circonstances où le critique prend un vrai risque : c'est lorsqu'il découvre et défend l'innovation. Le monde est souvent malveillant à l'encontre des nouveaux talents et de la création. Le nouveau a besoin d'amis. Hier soir j'ai vécu une expérience inédite et dégusté un plat extraordinaire d'une origine singulière s'il en est. Avancer que ce plat et son créateur ont radicalement changé l'idée que je me faisais de la grande cuisine serait peu dire. Ils m'ont bouleversé au plus profond de mon être. Je n'ai jamais fait mystère du mépris que m'inspirait la devise d'Auguste Gusteau : « tout le monde peut cuisiner ». Mais ce n'est qu'aujourd'hui, aujourd'hui seulement, que je comprends vraiment ce qu'il voulait dire. Tout le monde ne peut pas devenir un grand artiste, mais un grand artiste peut surgir n'importe où. »

 

 Logo officiel. Pixar Animation Studios

 



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