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2 mai 2006 2 02 /05 /mai /2006 18:10
                                    
 
 
  Takeshi Kitano fait partie de ces réalisateurs iconoclastes qui savent séduire par leur approche cinématographique en tout point unique et inimitable. Cette originalité, Kitano la doit essentiellement à son parcours atypique qui ne le destinait nullement au cinéma. Connu au Japon pour des shows télés à l'humour bon enfant, Kitano pénétra le milieu du cinéma presque par hasard. Un peu à l'image d'un Coluche qui fut appelé pour tenir un rôle aussi magistral qu'inattendu dans Tchao Pantin, c'est en 1989 qu'il fut invité pour  incarner le rôle principal de Violent Cop. Si au départ il ne devait être qu'acteur, le départ inopiné du réalisateur offrit la première opportunité pour Beat Takeshi (son nom de scène au Japon) de passer derrière la caméra. Ce fut le début du phénomène Kitano : usant d'un style cru et d'une réalisation tout en élipses, le metteur en scène nippon ne va tarder à s'imposer comme la tête de file de la nouvelle vague du pays du soleil levant. Le maître collectionnera alors les succès d'estime jusqu'à enfin connaître la consécration internationale avec Hana-Bi, primé à la mostra de Venise en 1997.
 
    
 
S'il est difficile de dire d'un Kitano qu'il surpasse les autres, force nous est néanmoins de constater que cet Hana-Bi est probablement celui qui illustre le mieux ce qui fait la force et le charme de ce grand cinéaste. Par bien des points, Hana-Bi reprend les précédents films de Kitano et ses thématiques privilégiées : les guerres entre gangs de yakusas, un personnage désabusé, une violence crue, et un goût pour le risible par le ridicule. Pourtant, malgré ces multiples similitudes, ce septième film de Kitano semble franchir un palier supplémentaire par rapport à un Violent Cop, Jugatsu ou autre Sonatine, par son approche antithétique totalement unique.
 
 
                                                           
 
Hana-Bi relate l'histoire d'un vieux flic désabusé, Nishi. Accablé par la mort d'un collègue et de celle de sa fille encore jeune, Nishi est à nouveau le spectateur impuissant de la mort prochaine, celle de sa femme rongée par un cancer. Quand il apprend que sa femme est définitivement condamnée, le vieux flic décide de ne vivre désormais que pour ces derniers jours qu'on lui laisse en sa présence, avant qu'elle ne passe de vie à trépas. Ainsi, Nishi va-t-il braquer une banque, régler des comptes avec les yakusas, et défier même ses collègues dans l'unique but de passer au mieux les derniers jours aux côtés de sa femme.
 
 
 
 
 
 
 
Bénéficiant d'une merveilleuse réalisation, tout en sobriété et en finesse, Hana-Bi coupe aussi le souffle par l'étonnant paradoxe de son propos : au-delà de toute cette violence crue et suggérée, ce film n'en reste pas moins une histoire d'amour. Kitano nous parle de l'amour en évoquant la mort, et c'est là tout son paradoxe. Cette approche atypique offre ainsi au spectateur un regard nouveau et particulier sur ce sentiment pourtant tant de fois traité à l'écran. Le titre, Hana-Bi, synthétise à lui seul tout le propos de Kitano. Hana-Bi signifie en japonais « feux d'artifice ». Le feu d'artifice est à percevoir comme une allégorie  de cet amour qu'a brossé le maître Takeshi tout le long de son oeuvre. Dans ce film où l'amour ressurgit dans toute sa force et toute sa violence  au seuil même de la mort,  l'association avec l'image du feu d'artifice ne prend que plus de sens, car c'est à l'instant où il va s'éteindre et disparaître qu'il est le plus ample et le plus beau. Le paroxysme de l'amour se rencontre finalement au seuil de la mort : c'est quand il va disparaître qu'il apparaît à nos yeux de la plus belle des manières. D'ailleurs, à bien s'y intéresser, le mot japonais « Hana-Bi » est encore plus riche dans sa signification que son correspondant dans la langue française : « feux d'artifice ». En effet, « Hana-Bi » est composé de deux mots : « hana » qui signifie la fleur et « bi » qui veut dire le feu. Littéralement, « Hana-Bi », c'est aussi et avant tout une « fleur de feu ». On retrouve là les deux dimensions de l'amour tel que nous le peint Kitano : à la fois doux et enivrant comme le parfum d'une fleur, mais aussi consumateur et douloureux comme le feu. Telle est la poésie de Kitano : rude, mais d'une infinie délicatesse, violente mais d'une incommensurable douceur.
 
 
 
 
 
 
Voilà pourquoi des réalisateurs comme Takeshi Kitano sont si appréciables : ils savent nous donner un regard nouveau et unique sur des setiments pourtant mille fois traités, et souvent de la même manière. Ce sont des artistes comme Kitano qui enrichissent sans cesse le champs de nos perceptions. Voila pourquoi il est essentiel de s'ouvrir et de se risquer à découvrir ces artistes atypiques et marginaux car c'est au fond eux qui donnent leurs véritables lettres de noblesse au septième art.
 



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