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3 mai 2016 2 03 /05 /mai /2016 19:59

 

Oui, vous avez bien lu : je suis raciste.

 

Ce n’est pas moi qui l’invente. On me l’a dit.

 

…Et pas n’importe qui, s’il vous plait. C’est Allociné.

 

En toute honnêteté, je ne m’attendais pas à cette révélation en postant ma critique du film La Vache, fin mars 2016. Pourtant, le courrier que j’ai reçu fut sans appel : « Votre critique du film La Vache a été modérée pour la raison suivante : votre critique contient des éléments de nature raciste ou discriminante à l’égard des minorités et cela n’est pas autorisé sur notre site. Merci de les supprimer de votre critique. » Merde… Je suis raciste.

 

 

Découvrir ce qu’est le racisme, grâce à Allociné…

 

Vous savez, ce n’est pas évident d’apprendre qu’on est raciste alors qu’on était persuadé jusqu’alors de ne pas l’être. Ça rend tout de suite les choses beaucoup plus compliquées, même les choses les plus simples. Par exemple, dans le cas de ma critique de La Vache, j’étais prêt à reposter ma critique en retirant tous les propos honteux que j’avais pu mettre dedans, mais merde alors, que c’est dur à faire quand on est persuadé que pas un seul mot qu’on a écrit n’est de nature raciste ou discriminatoire !

 

Alors pas grave. J’ai essayé. J’ai expérimenté. J’ai modifié phrase par phrase en validant à chaque fois, afin de voir à partir de quel moment Allociné considérerait que ma critique ne contiendrait plus de propos racistes ou discriminatoires à l’égard des minorités. Et ouf ! Enfin, avec un peu de temps, j’ai fini par y arriver. J’ai fini par isoler quelles étaient ces propos honteux contre lesquels je devais lutter pour ne plus être raciste. Accrochez-vous, vous allez voir, ça mérite d’être su.

 

Tout se trouve dans l’illustration malheureuse que j’ai pu faire d’un de mes points de vue à l’égard du film. Je me plaignais que l’image donnée de la France, notamment dans son rapport à l’Algérie et aux Algériens, était beaucoup trop fantasmée, à tel point que finalement, la Vache tombait dans une sorte de « déni de la réalité ». Et là j’ai eu le malheur d’illustrer de la manière suivante : « Ainsi, quand Fatah l’Algérien débarque à Marseille avec sa vache et qu’il subit un contrôle douanier, il tombe sur des douaniers sympas, souriants et respectueux (…et quiconque a déjà eu la chance de subir des contrôles de la douane pourra vous confirmer cette idée qu’effectivement, en toutes circonstances, les douaniers sont systématiquement sympas, souriants et respectueux). Quand ce même Algérien se balade ensuite dans toute la région PACA (région qui est d’ailleurs reconnue internationalement pour son hospitalité légendaire, surtout à l’égard des populations en provenance d’Afrique) tout le monde lui parle, lui sourit, lui rend service, l’héberge… » Voilà. Il était là-dedans le propos raciste et discriminatoire. Pour preuve, il m’a suffi dans la première phrase de changer l’expression « Fatah l’Algérien » par « le héros Fatah » ; dans la seconde phrase de remplacer « ce même Algérien » par « ce même Fatah » ; et enfin de remplacer « populations en provenance d’Afrique » par « populations étrangères. » et le tour était joué. Plus de racisme. Plus de discrimination. Grâce à Allociné donc, j’ai appris que les mots « Algérien » et « Afrique » avaient une connotation raciste et discriminatoire. Merci Allociné. C’est noté. On ne m’y reprendra plus…

 

 

La vache qui cache la forêt…

 

Alors certains me voient peut-être mieux venir à présent. « Ah en fait c’était ça ! En fait cet article avait pour but initial de tailler la nouvelle politique de bienséance instaurée par Allociné ! » En bah pourtant non. Ou plutôt si, mais pas que… Parce que oui – pour ceux qui ne le savaient pas – depuis un peu plus d’un an maintenant, Allociné s’est acheté une morale. Être simple lecteur ne suffit pas pour s’en être rendu compte. Seuls les posteurs ont eu l’occasion de découvrir les joies de ce nouveau code Hays appliqué pour les critiques de spectateurs. A dire vrai, ce n’est pas forcément la charte de publication qui a changé, c’est la manière de l’appliquer. Avant, bien rares étaient les critiques qui étaient modérées. Il fallait vraiment se lâcher (ou ne pas avoir de pot) pour voir sa critique supprimée par l’équipe de modérateurs. Désormais, ce n’est plus le cas. Chaque critique est passée au peigne fin (par de simples bots ou bien peut-être par de vrais humains qui sait…) et il n’est pas rare (du moins me concernant) que les critique ne soient retoquées pour des motifs divers et variés, allant de la simple vulgarité aux propos blessants, le tout en passant parfois par la case « propos révisionnistes ». Oui, je vous le jure…

 

Faire la liste par le menu de toutes ces absurdités n’est pas le but fondamental de cet article, même si pour le coup, cela permettrait de faire un portrait intrigant et non dénué d’intérêt de ce qu’est aujourd’hui devenu Allociné. En effet, il est quand même cocasse de constater qu’une critique peut se faire recaler pour un simple « je trouve ça con » alors qu’il suffit de le remplacer par un « je trouve ça bête » pour qu’elle soit validée. ; de même qu’il est interpellant d’être taxé de « révisionnisme » quand on ose questionner le caractère partial et propagandiste d’Hors-la-loi ; comme enfin il est juste risible de remarquer qu’on se fait striker sa critique des Huit salopards pour avoir utilisé le mot « salopards » jugé « injurieux et blessant » alors que c’est juste le titre du film (tout cela est véridique). A dire vrai, ce n’est pas Allociné qui m’intéresse, mais ce qu’il cache, ce qu’il révèle. Au fond, Allociné n’est qu’un symptôme. Il n’est que l’une des multiples déclinaisons d’un problème plus large. Moi, quand je vois ce qu’Allociné définit comme racisme, j’y vois en fait ce que notre société en général définit aujourd’hui comme racisme…

 

Quand je parle de notre société, bien évidemment, je parle de son courant mainstream, de ce courant véhiculé par les multiples institutions (qu’elles soient gouvernementales, économiques ou médiatiques) et qu’une majorité d’entre nous a tendance à adopter sans forcément se poser plus de questions que cela. Au fond, ce qui gêne dans cette société, ce n’est pas le racisme. Ce qui gêne, c’est l’émotion, le débat, l’absence de consensus préétabli… D’ailleurs, à bien y réfléchir : pourquoi cela ne pose pas de souci de dire que la région PACA n’est pas accueillante à l’égard des étrangers alors que ça en pose un de dire qu’elle n’est pas accueillante à l’égard des Africains ? De même, pourquoi cela pose un problème de remettre en cause l’amabilité des douaniers à l’égard d’un Algérien alors que ça n’en pose pas lorsqu’on la remet en cause à l’égard d’un individu lambda ? Visiblement, qu’importe qu’on dénigre les douaniers ou les gens de la région PACA, puisque cet aspect là du propos passe la modération. Non, ce qui a dérangé, c’est qu’on ait osé suggérer qu’il y ait pu avoir du racisme là où on avait décrété qu’il n’y en avait pas. Le problème c’est qu’on ait osé déterrer un sujet clivant. Algérie, racisme, homophobie, sexisme, propagande, ségrégation sociale, domination culturelle, libre parole… Tout ça est toléré tant que ça reste dans les cases prévues pour ça. Il ne faudrait pas que la question déborde du cadre institutionnalisé. Il ne faudrait pas non plus qu’un « foutre », un « con », voire un autre propos hors de la doxa ne vienne bousculer un lecteur occasionnel dans son confort. Non Allociné ne lutte pas contre le racisme ou la vulgarité. Allociné lutte contre tous ceux qui ne veulent pas se conformer au bon ordre moral. Après tout, dans notre société, le racisme ne dérange pas, tant qu’il est institutionnalisé…

 

 

La différence entre un bon raciste et un mauvais raciste…

 

Oui, je l’affirme, il y a du racisme institutionnalisé. J’entends par là qu’il y a bien un racisme toléré, voire véhiculé par les institutions, et cela y compris par Allociné, voire même par le cinéma français en général. Alors j’ai bien conscience qu’en disant ça, je ne lance pas la révélation du siècle, mais je trouve quand même intéressant de constater à quel point, finalement, le racisme n’est pas un vrai problème pour le courant maintream français. Il suffit juste de voir comment ce film La Vache a été reçu par la presse pour s’en convaincre. On parle de « comédie touchante », « réjouissante », « drôle » pour le Parisien, Gala et Paris Match (ce dernier allant jusqu’à le qualifier de « fable humaniste »). On ose dire de cette comédie qu’elle est « sympathique » et « naïve » du côté des Fiches du cinéma. On y rajoute le qualificatif « inoffensif » du côté d’à-voir-à-lire. Mieux encore, on parle dans Télé 7 jours d’un film sur « le choc des cultures » et « l’ouverture aux autres », tandis que TF1 News (oui je sais, ça vend du rêve) parle d’une comédie « fédératrice ». Les seules critiques négatives que l’on peut rencontrer à l’égard de ce film c’est qu’il souffre d’un « excès de gentillesse » (le Nouvel Obs) ou qu’il abuse du « sirop de l’unanimité » (les Inrocks). Ce qui me sidère, c’est que personne n’ait pris le temps de reprocher à ce film d’être ce qu’il est aussi… Raciste. Alors que oui – même s’il l’est de manière peut-être involontaire – il me semble quand même bien que plusieurs éléments nous démontrent que ce film n’est pas si « naïf », « humaniste » et « fédérateur » qu’on veuille bien nous le dire…

 

Juste un instant – pour ceux qui ont vu le film – prenez le temps de vous questionner sur ce portrait « fédérateur », « naïf » et so « feel good » qu’on nous vante tant. La belle France, dans La Vache, c’est avant tout du monde rural, des fermiers, et de bons vieux ripailleurs qui s’amusent au pied du château seigneurial local. Alors certes, on pourrait s’étonner que tout le monde soit si gentil dans ce film, on pourrait dire que c’est naïvement abusé, mais moi je pose quand même une question sur la nature de cette vision idyllique de la France. La France, c’est idyllique à partir du moment où il y a des nobles ? Des terroirs ruraux préservés ? …et des Arabes uniquement là où on est sensé en trouver, c'est-à-dire dans les cités et en Algérie ? Quelle drôle d’image d’ailleurs ce film nous donne des Arabes ! Les Arabes, dans ce film, ils n’existent et ne sont valorisés que dans deux postures : soit ils sont ou viennent d’Algérie, et dans ce cas là ils se doivent de correspondre à la caricature ultime de l’indigène lors de la période coloniale ; soit ils sont Français mais dans ce cas-là ils sont mariés à des Françaises du terroir, le tout en ayant bien veillé à effacer toute trace de culture algérienne chez eux. D’ailleurs, à part les gamins qu’on voit taguer la vache et quelques autres figurants vus à la télé, il n’y a dans ce film qu’un seul Arabe qui soit Français dans ce film, du moins un seul qui mérite la qualification de « personnage ». Sur un film qui parle des liens entre France et Algérie, c’est étrangement proportionné…

 

Alors après, entendons-nous bien. Il ne s’agit pas de dire qu’un film est raciste dès qu’il présente un Algérien bien du bled ou un Français d’origine ou de culture arabe mariée à une blonde. Non, la vraie question pose sur le regard sélectif qui est ici opéré. Pourquoi ne voit-on que ces stéréotypes là et pas les autres ? » Dans un film qui entend dresser un portrait « idyllique » de la France, est-ce que les couples endogames chez les Français d’origine ou de culture arabe ça fait aussi tâche qu’un douanier zélé ou un fermier provençal raciste ? Est-ce qu’un terroir bien blanc dirigé par son seigneur local ça fait davantage rêver qu’une ville française métissée ? Là, pour le coup, on est en droit de questionner cette démarche et de ce qu’elle traduit de notre société… Mais bon, ce ne sera pas la première fois que, face à un film fédérateur, on jugera qu’il est inconvenant de questionner la nature-même de l’élément qui est parvenu à fédérer…

 

Intouchables, Bienvenue chez les Ch’tis, Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ? Voilà les trois derniers gros succès français dans le sillage duquel La Vache a essayé de s’engouffrer. Trois films sur des sujets sensibles : la société de classes pour le premier, l’identité régionale pour le second, les tensions intercommunautaires pour le troisième. Trois succès qui révèlent d’ailleurs à quel point la masse apprécie que le cinéma s’investisse de ces questions. Mais sur ces trois succès, deux peuvent clairement être interrogés sur leur manière d’aborder ces questions. Si personnellement, je n’ai rien contre Intouchables, que je trouve vraiment très réussi et très malin dans son propos, je trouve par contre qu’il y aurait beaucoup à redire sur Bienvenue chez les Ch’tis et Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ? Peut-on vraiment se réjouir que la France se retrouve dans des films qui, bien qu’ils prônent tous un message de tolérance et d’ouverture à l’autre, ne savent le faire qu’en confirmant les clichés racistes ou culturels de chacun ? On accepte le ch’ti à partir du moment où il vit dans des corons, où il mange des frites, du maroilles et de la bière en permanence et qu’il a un accent à couper au couteau. Mais attention, dès qu’un gars ne correspond pas à ce stéréotype dans le film, c’est un Parisien, car les Nordistes, c’est bien connu, c’est tous des Ch’tis. Pareillement, dans Mais qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ? on accepte le Juif que tant qu’il est pingre, le Chinois que tant qu’il fait du kung-fu et le Noir que tant qu’il est issu d’une famille nombreuse qui tchipe. Bah oui, sinon ça aurait été moins drôle… Ça aurait été moins « léger » je suppose… Ainsi ce racisme là passe, sans souci, au point qu’Allociné le conseille même lorsqu’il passe à la télé. Par contre, osons questionner dans une critique le racisme lancinant de ce film, et il est quasiment certain qu’Allociné vous attribuera 4 smileys rouges de manière automatique pour plonger votre critique directement en dernière page…  Comme quoi, pour paraphraser le sketch des Inconnus : le mauvais raciste, lui, il voit un film raciste, eh bah il se marre... Alors que le bon raciste, eh bah il voit un film raciste, eh bah il se marre…

 

 

Conclusion : ou comment Allociné m’a permis de comprendre plein de trucs sur la France d’aujourd’hui…

 

Alors après avoir dit tout cela, entendons-nous bien : qu’un film comme Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ? colporte des clichés racistes, au fond ça ne me dérange pas. Bah non. Que ce film rencontre un grand succès auprès de la population française, que tout le monde s’y bidonne dans la salle – y compris les personnes ciblées – ça ne dérange pas non plus. Quitte à en choquer quelques-uns, j’estime que le racisme n’est pas forcément méchant ou haineux. Non pas qu'il ne blesse pas. Mais je dis qu'il n'est pas toujours pensé pour blesser. Il est parfois juste une culture aux codes qui nous imprègnent sans qu’on s’en rende compte, qu’importe la part de réalité sur laquelle ces codes se fondent. Après tout, peut-on accuser le réalisateur Mohamed Hamidi et l’auteur Fatsa Bouyahmed, deux Français de culture algérienne, de cultiver sciemment et vilement des stéréotypes, racistes ou non, sur la France et sur l’Algérie ? Si tel était le cas, cela paraitrait étrange. Maintenant ce n’est pas parce qu’ils n’en ont pas conscience, ou parce qu’ils estiment que ce n’est pas fait méchamment, qu’au final ces deux hommes ne véhiculent ou ne confortent pas une vision assez racisée, voire même parfois raciste, de la société française…

 

Donc non, je n’ai pas fait tout ce speech juste pour dire qu’il y a du racisme partout, même allusif, que c’est mal et qu’il faut le condamner. Non. Si j’ai fait tout ce speech, c’est certes pour dire que le racisme est partout, mais qu’il faut juste en prendre conscience. Et que d’une certaine manière, ne pas conscientiser la chose, c’est aussi entretenir la chose. Après qu’on trouve ça bien, mal, inconséquent, chacun est libre de choisir sa posture et de l’assumer… Mais, par pitié, ne nions pas la réalité des choses. Dire que La Vache ou Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ? offrent une vision très droitière de la société française, avec tous les filtres et autres déformations que ça apporte, ce n’est pas juger et condamner, c’est juste comprendre. Seulement voilà, dans une société comme la nôtre, avec ce fonctionnement qui est actuellement le sien et dont Allociné n’est qu’un symptôme et pas une cause, on ne peut même plus dire ça. Dans les cercles privés pourquoi pas, mais – par pitié ! – pas sur la place publique ! Le confort du déni doit primer sur l’ouragan libérateur que pourrait apporter un débat…

 

Donc voilà… Par simplicité donc, aux yeux d’Allociné et du grand public, je serai donc un raciste. Après tout, c’est tellement plus simple. Oui, il est tellement plus facile et confortable que de se dire que l’ennemi c’est l’autre. Le racisme, le terrorisme, la propagande, ça ne vient jamais de nous. Et si par malheur quelqu’un venait à rompre l’illusion ; si par malheur quelqu’un venait à s’attaquer à ce confort d’une société lissée par des décennies de méthode Coué ; alors la facilité appellera toujours à la même réaction. Il ne s’agira pas de réfléchir à la question posée ou au problème soulevé. Non. On bannira le présomptueux en l’étiquetant du mal qu’il a voulu dénoncer. Ainsi, vivons-nous sereinement, grossissant le rang des extrêmes, jour après jour, sans chercher à savoir ce qui stimule ce mécanisme. C’est ainsi qu’il en va du racisme, comme il en va aussi ainsi pour de nombreux autres sujets… Mais après tout, faut-il vraiment s’en inquiéter ? Après tout, n’est pas un raciste qui vous le dit ?...

 

 

 

 

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